(Jur) Compétence en matière de dénigrement via Internet : renvoi de la question à la CJUE

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Une société de tchèque, ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, reproche à un réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques commercialisés sur ses sites internet hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié, de propos dénigrants diffusés, sur plusieurs sites et forums. Après l’avoir mis en demeure, de les retirer, elle l’assigne en référé devant le président du TGI pour, d’une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement à son encontre et à l’encontre du site, et à publier un communiqué judiciaire en français et en anglais sur chacun des forums concernés, d’autre part, être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause et, enfin, pour obtenir paiement d’un euro symbolique en réparation de son préjudice économique et d’une somme de même montant pour celle de son préjudice moral.La (CJUE, 17 oct. 2017, n° C-194/16, Bolagsupplysningen OÜ et a. c/ Svensk Handel AB) a dit pour droit :D’abord que l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l’intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un État membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l’auteur présumé de l’atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre État membre.Ensuite que l’article 7, point 2, de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires.Se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, la Cour a précisé (CJUE, n° C-68/93, 7 mars 1995, Shevill et a.) qu’une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, et non devant une juridiction qui n’a pas une telle compétence.Cette jurisprudence rendue en matière d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants.L’arrêt relève que le centre des intérêts de la société demanderesse est établi en République Tchèque et que le défendeur est domicilié en Hongrie.Il en résulte que seules les juridictions du premier de ces États, compétentes pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, en vertu de la jurisprudence résultant de l’arrêt Shevill précité, ou celles du second dans lequel le défendeur est domicilié, sont compétentes pour ordonner le retrait des commentaires prétendument dénigrants imputés au défendeur et leur rectification par publication d’un communiqué.Par ce motif de pur droit la décision de déclarer la juridiction française incompétente pour connaître du dommage au profit des juridictions tchèques se trouve légalement justifiée.S’agissant de la juridiction compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée en réparation des préjudices moral et économique consécutifs aux propos dénigrants, la société demanderesse soutient que la jurisprudence Svensk Handel ne peut trouver à s’appliquer qu’aux seules demandes visant à obtenir la suppression de commentaires ou de pages sur internet au moyen d’une injonction prononcée par le juge, que n’est, en aucune façon, concernée par cette solution la demande indemnitaire dont l’objet est l’obtention de dommages-intérêts, et ce, quand bien même la demande serait formée à titre provisionnel devant le juge des référés et qu’en conséquence, une telle demande demeure régie par les principes dégagés par l’arrêt Shevill.Il s’agit, donc, de déterminer si la solution consacrée par la CJUE doit être interprétée en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet État membre ou si, en application de l’arrêt Svensk Handel précité, elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.La question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation, pose une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne dès lors que l’intérêt d’une bonne administration de la justice pourrait justifier que la juridiction compétente pour connaître de la demande tendant à la rectification de données et à la suppression de commentaires ait compétence exclusive pour connaître de la demande tendant à l’allocation de dommages-intérêts, qui présente avec la première un lien de dépendance nécessaire.Il s’ensuit qu’il convient d’en saisir la CJUE en application de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’UE et, jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer de ce chef. 

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